5 jours à tourner des pots à la campagne

Le récit d’un stage au CNIFOP.

Au printemps dernier, entre 2 confinements / déconfinements, je suis allée à Saint-Amand-en-Puisaye pour faire un stage de perfectionnement au tournage au CNIFOP (Centre international de formation aux métiers d'art et de la céramique). C’est une petite ville de la Nièvre, en pleine diagonale du vide. À cette saison la campagne est magnifique.

l’ancien château qui est aussi le musée du grès

l’ancien château qui est aussi le musée du grès

J’y allais avec plusieurs objectifs, en particulier je voulais apprendre à :

  • faire des objets en série (être capable de reproduire un objet aux mêmes dimensions)

  • faire des formes complexes (ex : des couvercles)

  • faire des vases et donc bien monter la terre

  • être plus efficace dans mes gestes, pouvoir travailler longtemps sans avoir mal partout…

J’ai appris tout cela et bien plus encore ! J’ai dû réapprendre pas mal de gestes de base, donc j’ai eu un ou deux jours de passage à vide au début (“OMG en fait je ne sais rien faire”) puis j’ai vraiment réussi à acquérir les bons gestes et à les faire naturellement, presque sans effort.

J’ai appris plein de détails qui font gagner du temps et qui donnent aux objets un côté plus “fini”. Par exemple, comment bien centrer une pièce, comment créer un joli pied sur un bol, comment fabriquer une anse (4 techniques possibles)… J’ai aussi appris à utiliser de nouveaux outils (ex : le compas, pour mesurer le pied des objets et leur ventre) et je suis repartie avec plusieurs pages de notes et de schémas que je relis régulièrement.

Au final j’ai fait un paquet de pots longs, de pichets et de bols, qui sont tous partis au recyclage car il aurait fallu une semaine de plus pour cuire tout ça !

Pour en savoir plus : https://www.cnifop.com/

série de pichets en cours de séchage

série de pichets en cours de séchage

une montagne de bols prêts à partir au recyclage

une montagne de bols prêts à partir au recyclage

Alice Aguirregabiria
Au musée de la céramique de Vallauris

Cet été, j’ai profité de vacances dans le sud de la France pour faire un détour par Vallauris (Côte d’Azur). Pas de chance : c’était dimanche donc tous les ateliers de céramique étaient fermés. Mais le musée de la céramique était bien ouvert. On y trouve de nombreuses créations de Picasso (des pichets, de grands plats ronds avec des visages) et surtout des céramiques contemporaines, c’est la partie que j’ai préférée. Je vous partage mon top 3 :

 
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Une sculpture intitulée “Cestino della discordia” (poubelle de la discorde) de Bertozzi & Casoni de 2000

J’adore l’hyper réalisme de l’objet (on croirait une vraie corbeille à papier, alors que tout l’objet est en faïence), le côté un peu crado (les déchets, les escargots) et incongru (que fait cette bouillotte dans la poubelle ?).

Une coupe tressée Foucard-Jourdan des années 1950

C’est le travail d’une manufacture qui a fermé aujourd’hui. J’adore le fait que cette coupe a l’air souple et très aérienne. J’aime aussi le contraste entre les boucles légèrement irrégulières et les croisillons presque parfaits du centre. Et bien sûr les détails de petites fleurs un peu kitsch qui tiennent l’ensemble.

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Une sculpture intitulée “L’âge du Monde (Japon)” de Mathieu Lehanneur et Claude Aïello de 2009

C’est le fruit d’une collaboration entre Mathieu Lehanneur, designer, et Claude Aïello, céramiste à Vallauris. Les 2 sont des stars dans leur domaine. L’idée était de faire une série de sculptures représentant les pyramides des âges de plusieurs pays. Ce que j’aime c’est que cette pyramide, qu’on voit d’habitude dans les manuels d’histoire-géo, devient un objet abstrait, en 3 dimensions. Au premier abord, la forme de l’objet et son nom (Japon) m’évoquaient un chapeau de samouraï. 



Alice Aguirregabiria
1 an de progrès entre frustrations et fierté

En réalité, cela fait un peu plus d’un an que je me suis mise sérieusement à la céramique, puisque j’ai commencé à aller chaque semaine à l’atelier à partir de septembre 2019. Dès décembre, on a eu des grèves des transports, qui m’ont pas mal ralentie (on va moins souvent à l’atelier quand il faut marcher une heure). Ensuite on a eu le confinement (et maintenant le 2ème !). Bref, ça ne s’est pas totalement déroulé comme prévu. J’ai eu pas mal de frustrations de ne pas réussir à avancer assez vite.

Mais vu qu’on n’a aucune prise sur les événements en ce moment, je me force maintenant à aller lentement (je vais faire broder “festina lente” sur mon tablier). Je me limite à une séance par semaine à l'atelier, et tant pis s’il faut attendre un mois pour sortir un objet. 

J’ai quand même pu observer des progrès. Au démarrage, j’arrivais péniblement à tourner des petites tasses de 400 grammes, maintenant j’arrive à faire des bols de 800 grammes sans problème et à varier les formes (plus haut pour faire des vases, plus arrondi pour faire des pots). A force d’essai, j’ai aussi pu définir les tasses que j’aime : plus haute que large, avec une anse assez grande pour une bonne prise en main et accrochée près du bord haut, avec un petit pied, ce qui donne un aspect plus aérien à l’ensemble (c’est ça être designer ?). J’ai appris plein de choses au fil de cette année : maîtriser le séchage des pièces pour éviter les fissures, sculpter les pieds, utiliser une estèque pour lisser les bords des objets quand on les tourne, peindre les objets à cru plutôt qu’après la première cuisson pour faciliter l’émaillage, etc. Et c’est déjà pas mal ! Vivement l’année prochaine.


des bols de plus en plus hauts au fil de cette année

des bols de plus en plus hauts au fil de cette année

Alice Aguirregabiria